« Alors, c'est vrai ? » Je regardai mon frère, assis dans sa chambre, en train de regarder de vieilles photos. Il leva les yeux vers moi et plongea son regard dans le mien. Depuis petits, lui et moi, on n'avait même pas besoin de parler pour se comprendre. Je le connaissais son regard. Il voulait dire qu'il était désolé mais que ça valait mieux pour lui comme pour moi et qu'il reviendrait. Lucas ne m'en avait pas encore parlé et je savais exactement pourquoi. Liés comme les deux doigts de la main, il avait peur que je lui en veuille. Je savais que c'était pour ça qu'il tardait à m'en parler : en réalité, il ne savait pas comment s'y prendre. « Oui, c'est vrai. J'allais t'en parler. » Je ne cillai pas. Mes yeux étaient toujours plongé dans les siens. J'avais affronté pas mal d'obstacles jusqu'à présent et aujourd'hui, il fallait que je me fasse au départ de mon frère. Ma mère était morte, je ne voyais plus mon père car il avait plus besoin d'alcool que de nous et maintenant, j'allais me retrouver toute seule, sans aucun repère. « T'attendais quoi ? La veille de ton départ ou le jour même pour me dire "Au fait Lise, je me suis engagée dans l'armée de l'air, je reviendrai dans un an !" » Lucas avait baissé la tête, je le connaissais, il fuyait lorsqu'il voyait que ça devenait dur. On s'était toujours complété. J'étais celle qui fonçait dans les choses pour les affronter quitte à me blesser, il était celui qui préférait les contourner. Toujours sur le pas de sa porte de chambre, je n'étais pas prête à bouger. Le ton avait commencé à monter et j'attendais une réponse honnête. Il se leva et s'avança vers moi. « Écoute Lise, je suis désolé. J'allais te le dire mais je préférai attendre le bon moment. Tu sais bien que ça ne changera rien entre nous, t'es ma petite sœur et ce sera toujours toi et moi. » Il me tenait le poignet en me balançant ces mots. Je sentis les larmes me montaient aux yeux car oui, c'était lui et moi, quoi qu'il arrive. Je ne baissai pas le regard même si je me sentais perdre le contrôle. « T'avais promis que tu ne me quitterai jamais. Tu m'as menti ! » Une larme coulait le long de ma joue et je retournai dans ma chambre, claquant la porte et surtout, pleurant toutes les larmes de mon corps.


Il était mort. Mon frère, Lucas Roberts était déclaré mort. J'étais la seule de la famille Roberts. Ma mère n'était plus là depuis quelques années, mon père était décédé d'une crise cardiaque il y a deux ans de ça et désormais, c'était le tour de mon frère. Je me retrouvai toute seule, la petite dernière, sans repère. Heureusement, il me restait Sasha. Sasha, elle était comme ma sœur et en plus de ça, je l'avais toujours considéré comme mon modèle. Elle était belle avec ses longs cheveux blonds, c'était une personne que j'avais toujours admiré. De plus, grandissant sans figure maternelle, Sasha avait un peu pris cette place là pour moi. Elle avait toujours cherché à me protéger, surtout lorsque Lucas est parti et encore plus aujourd'hui. Cela faisait quelques semaines que je n'arrêtais pas de faire n'importe quoi, enchaînant drogue et tout ce qui va avec. Après tout, je n'avais plus rien à perdre, je pouvais faire tout et n'importe quoi, personne n'était là pour me retenir. Sauf Sasha mais elle n'était pas au courant de tout ce que je pouvais faire. Pourtant un soir, j'étais là, dans la rue, complètement droguée, les fringues complètement ébranlés avec pour seul ami, une bouteille de vodka à la main. Un homme, la trentaine me regardait de son regard pervers et s'est avancé pour me parler. Voyant que je n'étais plus maître de moi même, il s'est sûrement dit qu'il pouvait se permettre ce qu'il voulait. Il commença à m'empoigner d'une telle force que je ne pouvais me dégager de son emprise. Il disait qu'on allait bien s'amuser tous les deux en m'emmenant dans une petite ruelle sombre au loin. J'essayai de me débattre mais j'étais bien trop faible pour faire quoi que ce soit. J'étais sur le point de me faire violer jusqu'au moment où l'homme tomba à terre suite à un énorme coup de poing dans sa mâchoire. Mon maquillage avait coulé, mes yeux étaient pleins de larmes et à l'heure qu'il était, j'étais tellement faible que je me suis écroulée dans ses bras. Il m'avait ramené chez moi, m'avait passé sous la douche et m'avait couché dans mon lit. « Pourquoi tu fais ça..? » Il me regardait, assis sur un fauteuil, près de mon lit. « Selon moi, on ne laisse pas les jolies filles lorsqu'elles ont besoin d'aide. » Les larmes roulaient le long de mes joues. Je faisais tellement n'importe quoi, je savais que je jouais avec ma vie mais pour moi, plus rien n'avait d'importance. « Au fait, je suis Ezra et je resterai jusqu'à ce que tu arrives à fermer les yeux. » Je baissai la tête. Pourquoi était-il si gentil avec moi ? « Et moi... » « Lisa, je sais. » Il m'avait interrompu et devant mon regard plutôt étonné, il continua sur sa lancée. « J'ai du regarder tes papiers pour voir où je devais te ramener. » Et il souriait.

Ca faisait quelques jours que cette soirée était passée et pourtant, ce charmant jeune homme prénommé Ezra m'intriguait pas mal. D'un autre coté, il était quelqu'un qui avait fait sa BA de la journée et elle ne le reverrait sûrement plus jamais. Un soir, totalement à bout, j'ai sûrement fait l'erreur de ma vie... Je me suis ouvert les veines mais le plus bizarre dans tout ça, c'est que je me suis retrouvée à l'hôpital avec juste des marques argentées sur mes poignets. Un midi, alors que je me réveillais, Sasha se trouvait à mes cotés, le visage cerné. « Plus jamais tu me fais ça Lise ! » Je la regardai. Même avec son visage marqué, elle était toujours aussi jolie. Dans son regard, je pouvais voir à quel point elle avait eu peur de me perdre et je me suis sentie mal. J'avais été lâche à vouloir tout quitter comme ça et à cet instant même, je me suis rendue compte que j'avais pas le droit de lui faire ça, surtout pas à elle. « Je suis désolée... » Elle me prit la main et je lui fis un petit sourire. « En plus, à cause de moi, avec tes cernes, on va te prendre pour quoi à la fac ? » Elle secoua la tête en souriant. Elle avait bien compris que je voulais la détendre mais cette inquiétude que je pouvais lire dans son regard ne lui ressemblait pas. « Je te promets que plus jamais, je ne recommencerai. » « De toute façon, c'est clair que t'as pas le choix ! » Je lui serrai la main comme pour lui dire qu'elle n'avait plus à s'inquiéter, que je ferai attention à moi. « D'ailleurs, y a un garçon, plutôt mignon d'ailleurs, qui est venu ce matin pour voir comment tu allais. » Je sentais mon coeur s'accélérait. « Qui ça ? » « Il m'a dit qu'il s'appelait Ezra. »

Lisa - aujourd'hui.