- Mais qu’est-ce que tu fais là ? - Pas envie de rester seule sur Veïa. Moi aussi j’ai envie de m’amuser. – T’amuser ? Mais qu’est-ce qui t’es passé par la tête ? – Oh lâche moi ! Mars venait juste de me voir sortir du vaisseau, à peine quelques seconde après lui. Et en à peine cinq minutes, il venait déjà de me faire la morale. Ne pouvait-il pas comprendre que j’avais besoin d’air ? Que j’en avais assez de tout ce point sur mes épaules ? Que je n’en pouvais plus d’entendre mère parler sans cesse de mes devoirs de future reine ? Je ne demandais pourtant pas grand-chose. Juste devenir une jeune femme de 23 ans tout à fait normale, qui puisse s’amuser, profiter de la vie, avoir des expériences, quitte à me tromper. S’il savait comme j’envie ces humains …
Qui suis-je ? Clio McLaughlin, seule fille de la Reine d’une planète dont vous n’avez surement jamais entendu parlé, donc seule héritière de la famille royale, sorte de Super-Girl avec des tenues moins colorées, entourées par deux frères surprotecteurs, qui a envie de nouveauté et d’aventure. Envie de changement de vie. Mon frère aîné est sur la Terre depuis quatre ans, et petit à petit, l’envie m’a prise de le rejoindre. Envie qui s’est intensifiée quand j’ai appris que mon deuxième frère allait faire partie de l’équipage du second vaisseau. Grâce à l’aide d’Asteria , bien plus qu’un ami à mes yeux, j’ai réussi à m’infiltrer sur ce même vaisseau, me cachant d’abord dans la soute au décollage, puis en me déguisant pendant le voyage pour passer inaperçue. Ce n’est qu’arrivé à destination que Mars s’est aperçu de ma présence. Et il ne pouvait plus rien faire pour m’empêcher de déambuler à Orlando. Et Icare n’allait pas tarder à apprendre ma présence sur Terre … Ce qui ni l’un ni l’autre ne savent, c’est que j’ai perdu le pendentif offert par ma mère à peine quelques heures après être arrivée sur Terre. Je suis retournée le chercher, mais je ne l’ai pas encore retrouvé. Je m’inquiète … un peu …
Mon premier geste d’extra-terrestre se prenant pour une humaine complètement normale ? M’inscrire à l’université d’Orlando. Avec l’aide de la technologie de ma planète, rien de plus facile. Je voulais y arriver par moi-même au début, mais apparemment, sans dossier scolaire et sans chèque pour régler les frais, impossible. Choisir ma matière a été plus difficile, car je ne connaissais rien d’eux. J’ai choisis le cours de psychologie, espérant un peu mieux les comprendre. Sans grande conviction. J’ai passé le reste de l’après-midi à déambuler dans les allées de la facultés, pour m’imprégner du lieu. Grâce au pouvoir que j’avais acquis la veille, en croisant Enora, j’ai pu lire dans les esprits de toutes les personnes croisées. Je voulais connaître les bonnes personnes à fréquenter. J’ai croisé quelques Vaé de la première génération dans les couloirs, Blodwyn et Sasha entre autres, elles aussi avaient choisi de se mêler dans les étudiants. J’aurais pu me rapprocher des plus populaires, de plus forts, mais curieusement, l’humain qui attira le plus mon attention fut un certain Nathéan. Les rumeurs qui courraient déclaraient que sa mère était folle, elle avait apparemment trouvé des traces de l’existence d’extra-terrestres parmi eux, mais quand elle les a montré au grand jour, elles avaient complètement disparues. Et le fils essayait de prouver qu’elle avait raison. Peut-être que c’était aussi pour le surveiller que je me suis aussi intéressée à lui au début, mais c’est sa sympathie qui m’a fait continuer à le croiser plus ou moins intentionnellement dans le couloirs de l’université. Et le fait que je savais qu’Icare serait énervé de me voir fréquenter un humain.
En cours, je m’ennuyais. Vraiment. Les professeurs étaient soporifiques. Une fois, j’ai pris l’apparence du professeur pour voir si les élèves remarqueraient une différence dans son comportement. Même pas. Ils devaient surement dormir comme moi pendant ses cours. Hallucinant. J’avais appris que beaucoup d’élèves avaient aussi un petit boulot après les cours, mais je n’avais pas vraiment envie d’être serveuse dans un fast-food sale et qui sentait mauvais. Je cherchais quelque chose d’un peu plus glorieux. J’ai jeté mon dévolu sur une petite boutique de prêt-à-porter. Une jeune fille blonde était à la caisse, j’ai demandé à voir la patronne.
- Et vous n’avez aucune expérience ? Jamais travaillé ? - Non … Mais je suis motivée, ça ne suffit pas ? - Disons qu’il faut aussi des bases avant tout …. Je soupirais aussi fort que je peux, avant de me servir une nouvelle fois de la technologie de ma planète natale sur elle. D’un coup, elle dut beaucoup plus aimable avec moi, et me proposa même des horaires aménagés. Qui avait dit que les humains n’étaient pas accueillants ? Si compter les cartons pour les inventaires et ranger les nouvelles tenues arrivées sur les portants, apprendre à manipuler et à faire fonctionner la caisse et le terminal bancaire fut plus laborieux. Travailler dans ce magasin était vraiment un avantage, je rencontrais de nouvelles personnes chaque jour, et j’augmentais ma connaissance du genre humain, et en même temps, je pouvais m’habiller exactement comme eux, pour ne pas dénoter dans le décor. Moi qui avait toujours aimé les belles choses, j’étais ravie. Pour couronner le temps, la fille blonde que j’avais repéré à mon entrée, Aeris, s’avéra aussi fort sympathique, et me proposa rapidement des sorties pour m’intégrer. Que demander de mieux ?
La première fois qu’un autre étudiant m’a draguée, ça m’a fait plus que bizarre. Peut-être parce qu’étant fille de la Reine, peu de garçons osaient m’approcher sur Veïa, et aussi parce que les seuls qui arrivaient jusqu’à moi avaient été rigoureusement choisis par mes parents, approuvés par mes frères et se contentaient d’une cours bien chaste. Les belles paroles, c’est bien joli, mais il me fallait plus derrière. Le terrien s’appelait Iann, était charmant, bien bâti, et était venu à ma rescousse quand il a vu que je n’arrivais pas à accepter un appel sur le téléphone portable qu’Icare m’avait donné pour que je reste joignable. Forcément, j’ai prétexté un nouveau engin, ce qui l’a fait sourire. Il a ajouté qu’il ne m’avait jamais vue dans le coin, j’ai rétorqué en haussant les épaules que je venais juste d’arriver de Phoenix, seul nom de ville que j’avais retenu. Il m’a proposé de me faire un petit tour de la ville, et de me montrer les coins intéressants. Je lui ai rendu son sourire. Aeris avait déjà commencé à s’en charger mais je n’étais pas contre un petit plus d’aide. Il est venu me chercher un soir à la fermeture de la boutique. Il m’a fait monter sur sa moto, pour un petit tour rapide. Engin que je n’avais jamais vu auparavant, mais curieusement, je me suis rapidement sentie à l’aise dessus, peut-être parce que je devais enserrer sa taille et restée collée à lui pour ne pas tomber. Puis, il m’emmena dans un petit restaurant, qu’il qualifia d’italien, manger une pizza. Sur le coup, je ne savais pas comment m’y prendre pour attaquer cette part, fourchette, couteau ? Mais quand je le vis saisir son morceau dans la main, je fis de même. Observer, toujours, avant de faire le moindre geste. Il essaya de me faire parler de moi, mais voyant que je restais évasive, après avoir juste avoué que je venais d’arriver en ville, il me parla un peu de lui, puis des avantages d’Orlando et des endroits à visiter. Il me donna son numéro pour que je puisse l’appeler quand j’en aurais envie. Enfin, il le rentra pour moi dans mon téléphone. Lorsqu’il me proposa d’aller boire un verre pour la suite de la soirée, j’ai accepté tout de suite. Sauf que quatre verres plus tard, il commençait à ne plus avoir les idées très claires, l’alcool faisait son effet.
- Comment ça se fait que tu ne sois pas pompette ? je ne connais aucune fille qui tient plus de deux verres … - Tu ne me connaissais pas jusque là … Impossible de lui expliquer que ma constitution alien ne me faisait sentir aucun des effets de l’alcool, et que je serai capable de battre n’importe quel humain à un jeu à boire. Si j’avais été meilleure comédienne, j’aurai essayé de jouer le jeu, de jouer à la fille un peu étourdie, mais les jeux de rôles n’étaient pas vraiment faits pour moi. Je l’ai abandonné une heure plus tard, devant la porte de son immeuble, après un baiser langoureux. J’avais refusé qu’il me raccompagne chez moi, il n’a pas semblé vexé, amusé plutôt, et je suis rentrée chez moi le sourire aux lèvres. Je sentais que j’allais adorer cette nouvelle vie sans interdits …
Sauf que … à peine retournée, j’ai entendu un grand bruit. Comme un coup de feu, puis le son du moteur de la moto qui se mettait en route. Curieuse, je n’ai pas pu m’empêcher d’aller voir. J’ai à peine fait quelques pas dans la ruelle sombre quand je l’ai vu. Iann était allongé par terre, à moitié conscient, baignant dans une mare de sang. J’aurai du partir, l’oublier, faire comme si rien ne s’était passé. Sauf que je me suis approchée, et penchée sur lui. J’ai vu dans ses yeux qu’il m’avait reconnue. Il a essayé de sourire. Il était blessé, assez gravement d’après la couleur rouge qu’avait pris son tee-shirt. Doucement, je l’ai soulevé et j’ai vu un trou béant dans son ventre. Le coup que j’avais entendu. Dans le film que j’avais vu hier soir, la garçon essayait de sauver sa vie en appuyant sur sa blessure pour éviter que trop de sang ne sorte. J’ai fait pareil de la main gauche, tout en sortant le téléphone de Iann de sa poche pour appeler les secours. 911 comme dans le film. Je n’ai raccroché qu’une fois avoir donner l’adresse à la standardiste. Iann avait les yeux fermés. Mais semblait respirer mieux. Ma main gauche, toujours appuyée sur la plaie, était pleine de sang, mais curieusement, il ne semblait plus couler entre mes doigts. Interloquée, je la levais, et vit la plaie se refermer. Comme par magie. Et une marque de main argentée commencer à apparaître à la place. Et merde. Les ambulanciers ne pouvaient pas arriver maintenant, ils ne comprendraient rien à la situation. Elle n’avait pas le choix. Heureusement qu’elle avait croisé un alien avec une force décuplée il y avait quelques jours, et qu’elle avait conservé ce pouvoir. Clio réussit à porter le corps de Iann jusque dans sa chambre, et elle le posa aussi délicatement que possible dans son lit. Ne restait plus qu’à attendre qu’il reprenne ses esprits …